vladeo |
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Homasa |
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Azed |
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Caelifer |
pavel7 |
Windspirit |
![]() ![]() L'épilogue avec la lettre du coupable était l'un des plus grands moments de littérature que j'ai vécus. |
Azed |
Windspirit |
![]() Au début, je ne savais pas trop pourquoi j'aimais tant ce roman. L'histoire est basique au possible et les personnages sont plats et stéréotypés. En fin de compte, ce sont vraiment les thèmes traités, les tournures des phrases, le surréalisme ainsi que les critiques de la société émergente post-août 45 qui m'ont charmé. D'abord, au niveau du surréalisme, Vian intègre plusieurs éléments absurdes dans le roman en n'expliquant aucunement leur sens. Certains ont un lien profond avec le développement de l'histoire (du coup, Vian amène des "plot devices" de façon légèrement plus sophistiquée qu'en les expliquant avec de simples mots straightforward : il avait intérêt avec une histoire aussi plate et fade !), d'autres n'ont aucun sens et ne servent qu'à divertir le lecteur, du moment qu'il arrive à déceler les moments où il doit cogiter et les moments où il doit tout simplement apprécier le non-sens qui s'offre à lui. Ensuite, au sujet de la société française post-août 45, il y a bien sûr une immense critique du monde du travail (où les méchants employeurs prennent les travailleurs pour des machines invulnérables), une critique du star-system (notamment grâce au personnage de Jean-Sol Partre (de Jean-Paul Sartre (ami personnel de Boris Vian) avec une inversion des premières lettres du second prénom et du patronyme) qui attire les foules "snobs et intellectuelles" avec du pur non-sens, une situation pareille à ce qui se déroulait lors des conférences de Jean-Paul Sartre en France vers la fin des années 40), et mon préféré : un anticléricalisme assumé et expliqué. Dans deux passages, Boris Vian se moque de la religion de façon extrêmement explicite. Lors de son mariage avec Chloé, où les responsables de la cérémonie sont le "Religieux" (le curé), le "Chuiche" et le "Bedon". Le Religieux est un pervers qui fantasme sur la mariée, en plus d'être un assoiffé d'argent. Il se réjouit en voyant le chef-d'orchestre mourir en tombant tête première sur la dalle, "comme ça, il n'aurait pas eu à le payer", dixit. Le Chuiche s'occupait avec le Bedon de déshabiller les petits enfants de foi qui chantaient des cantiques religieux, mais il s'occupait "particulièrement des petites filles", dixit. Le Bedon, tenez-vous bien, (nous parlons bien sûr d'un fonctionnaire du clergé catholique), s'appelle... Emmanuel Jude ! EMMANUEL JUDE ! J'ai joui lorsque j'ai lu ça ! EMMANUEL JUDE ! MAIS C'EST ÉPIQUE ! C'EST ROYALEMENT ÉPIQUE ! Durant l'enterrement (je ne précise pas de qui), Colin s'étant ruiné, il n'a pas pu payer un bon montant pour avoir une cérémonie "décente", du coup, les religieux offrent un traitement au décédé dit "du pauvre". Il balancent le cercueil par la fenêtre de sa chambre au deuxième étage ("on ne transportait les cercueils qu'à partir de 500 doublezons", dixit, les doublezons étant l'unité de monnaie fictive du roman, tirée des doublons), le conducteur du camion qui les emmène au cimetière chantonne à tue-tête ("il ne se taisait qu'au bout de 250 doublezons", dixit), le Chuiche et le Bedon huaient et lançaient des pierres à Colin ("si vous ne payiez pas au moins 1000 doublezons, les fonctionnaires du clergé ne sont pas avec vous : ils sont contre vous", dixit), on balance le corps dans le fossé creusé n'importe comment et on le recouvre en y poussant de la terre avec le pied. Et... le coup de grâce : durant les funérailles, Jésus s'anime, "cherche une position plus confortable sur ses clous, bouge la tête pour dégager sa couronne d'épines, et bâille". Il demande à Colin pourquoi il n'a pas donné plus d'argent pour l'enterrement, "c'est trop ennuyeux, là". Au moment où Colin l'interroge sur "pourquoi l'avoir fait mourir ?", Jésus redevient de marbre, et il pousse un petit ronronnement de chat repu. ... .. . C'EST MAGNIFIQUE ! Si toute la littérature était comme ça, ce serait l'utopie totale : fuck les animes, fuck la télévision, fuck même les ordinateurs ! Je passerais mon temps à lire ! |